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"Nous sommes dans une ère de science-fiction. Une ère de dialogue avec la machine"

Les intelligences artificielles, tout le monde en parle, beaucoup flirtent avec, mais peu les pratiquent au quotidien et de manière professionnelle. Gilles Guerraz fait partie de ces derniers. Ce réalisateur, qui a travaillé à plusieurs reprises pour Entrecom, semble avoir totalement franchi le pas.

Comment avez-vous découvert les IA génératives ?

Gilles Guerraz : J’ai derrière moi une quinzaine d’années de réalisation avec des publicités TV ou digitales, des vidéos corporate, etc. Créer des images, cela a toujours été “mon truc”. J’ai commencé à m’intéresser naturellement aux IA génératives pendant l’été 2022… et je me suis rapidement laissé prendre par toutes les possibilités offertes par cette technologie. J’ai découvert un média qui me permet d’assouvir mes fantasmes de créateur d’images. Je trouve ça fascinant encore aujourd’hui.

Vous êtes désormais reconnu pour votre bonne connaissance de l’IA, comment s’est passée la transition ?

G.G. : J’ai pris la parole assez vite sur LinkedIn puis j’ai créé ma newsletter thématique. J’ai rapidement été sollicité pour effectuer des missions de création de contenus générés par l’IA et même pour organiser des formations. Mon premier projet 100% IA date du mois de mai 2023. Moins d'un an plus tard, les projets liés aux intelligences artificielles représentent plus de 70% de mon activité professionnelle. Donc on peut dire que la transition a été rapide !

Vous continuez malgré tout les tournages classiques ?

G.G. : Oui parce que pour les marques, l’IA ne permet pas encore de générer des personnages qui ressemblent et se comportent réellement comme des humains. Aujourd'hui, on est encore plus proche de l’animation que de la vidéo. Donc pour certains types de vidéo, le tournage classique est toujours nécessaire.

Est-ce que les IA changent la narration ?

G.G. : Si on fait exception de l’esthétique particulière des IA pour l’instant, je ne pense pas. Nous sommes plus sur une révolution dans la manière de fabriquer. Les différentes IA ne sont rien de plus que de nouveaux outils. Je compare souvent avec l’impact de l’arrivée de photoshop pour les graphistes dans les années 1990.

Les IA génératives, c’est la puissance de l’instantanéité, une productivité multipliée par 10, par 100, par 1000 même et c’est aussi la possibilité de faire des choses qui ne seraient pas faisables économiquement autrement. 

J’ai récemment réalisé un triptyque vidéo pour une agence de voyage où des personnes rentrent de destinations lointaines. Le film est un mélange de photos et de vraies vidéos. L’IA a permis d’insérer des personnages réels dans des décors fictifs. Le résultat, c’est un film que l’annonceur n’aurait jamais eu les moyens de s’offrir sans les IA.

Les IA n’ont donc que des avantages ?

G.G. : Il ne faut pas être naïf. Le développement des IA, s’il est inévitable, pose beaucoup de questions éthiques, de questions sur l’impact écologique - qui reste à définir d’ailleurs - et sur l’impact économique qui sera important. Photographes, post-prod, voix-off, traducteurs, rédacteurs, beaucoup de métiers vont souffrir, voire être carrément supprimés dans un futur plus ou moins proche. Nous sommes dans une ère de science-fiction. Une ère de dialogue avec la machine. Et dans ce contexte nouveau, autant apprendre à lui parler...