« Quitter X n’est pas une erreur quand on cherche à toucher le grand public. »

Date :

10/12/2024

Type :

Interview

Crédits

Faut-il faire une croix sur X ? Depuis la victoire de Donald Trump, de nombreux élus, collectivités locales et institutions publiques délaissent ce réseau social. Un début d’exode en réponse au projet politique porté par Elon Musk et soutenu par les algorithmes de sa plateforme. L’avis de Christian de La Guéronnière, communicant publique.

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Comprenez-vous les raisons qui poussent élus, collectivités et institutions publiques à quitter X ?

Cdlg : J’observe qu’il y a deux manières de répondre à la problématique posée par le projet politique de X. La première est de quitter la plateforme pour rester cohérent avec ses valeurs. En partant, on fait passer un message et ainsi l’annonce du départ devient un coup de communication. Mais pour l’instant, la forme du départ est assez floue. Si certains ferment leurs comptes, d’autres se contentent d’arrêter de publier dans une forme d’attentisme. L’autre manière de répondre est de continuer à communiquer sur X. En tant que communicants publics, notre rôle est d’aller chercher les gens où ils sont pour échanger, discuter, convaincre. Pour moi, les deux réponses sont valables.

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Existe-t-il un risque à quitter X ?

Cdlg : Si on regarde les résultats de notre baromètre, on s’aperçoit que pour s’informer sur la vie locale via les réseaux sociaux, les Français privilégient majoritairement Facebook (48 %), suivi d’Instagram (27 %), de TikTok (20 %) et donc, en quatrième position seulement, de X/Twitter (19 %). Ces chiffres confirment que X/Twitter n’est pas un réseau social grand public mais avant tout une bulle politico-médiatique. Par ailleurs, une autre observation de notre baromètre montre que, depuis 2015, tous les réseaux sociaux ont vu leur audience progresser, sauf X qui stagne pour la première fois cette année. C’est encore un signal faible, mais significatif. Quitter X n’est donc pas une erreur quand on cherche à toucher le grand public.

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Quel est le nouveau réseau de l’influence pour les élus et les collectivités ?

Cdlg : Pour l’instant, les communicants publics déportent leurs prises de parole sur Bluesky et/ou Threads, mais il est encore trop tôt pour dire lequel des deux émerge comme le nouveau réseau social d’influence public. D’ailleurs, je ne pense pas qu’un nouveau réseau social dédié soit nécessaire. Cela risquerait d’être contre-productif pour le débat public et pour la cohésion sociale. Pendant les dernières élections municipales, nous avons étudié les discussions sur Twitter dans les dix plus grandes métropoles, et avons comparé les thèmes de campagne abordés dans cette bulle avec les attentes des électeurs révélées par les sondages. Les résultats étaient diamétralement opposés. Le problème de X/Twitter, c’est qu’il accentue le fossé entre les préoccupations des citoyens et celles des élites politico-médiatiques. Il ne me semble pas utile de répéter la même erreur sur une autre plateforme.

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Les réseaux sociaux sont-ils vraiment incontournables pour la communication publique ?

Cdlg : Aujourd’hui, le magazine de collectivité reste le premier média d’information sur la vie locale. C’est le support le plus universel : gratuit et distribué à tout le monde. Cela dit, les citoyens consultent une dizaine de sources pour s’informer. La clé réside donc dans le mix-média. Le bouche-à-oreille est désormais la première modalité d’information, suivi par les supports écrits (magazine) pour la confiance et le Web pour l’agilité. Les réseaux sociaux complètent ce dispositif, en jouant un rôle d’alerte et de diffusion. Ils restent donc utiles.

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Vous mentionnez le rôle croissant du bouche-à-oreille.

Cdlg : L’oralité est devenue le premier mode d’information en 2024. Cela traduit un besoin accru de proximité et de confiance face à l’hyperchoix des sources d’informations et aux fake news. Quand on entend tout et son contraire à longueur de journée, on se replie sur ce qui est proche et connu : discuter avec un voisin, échanger directement avec un élu, etc.

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Comment maîtriser les messages quand tout se déroule à l’oral ?

Cdlg : D’abord, l’oralité se nourrit des autres supports. Elle repose aussi sur des interactions incarnées, comme le porte-à-porte, les concertations publiques ou les discours d’agents. Il est donc tout à fait possible de former, d’accompagner (éléments de langage, Q&A, etc.) et d’encourager une forme maîtrisée d’oralité. Pourtant, ce levier reste peu travaillé par les collectivités. Il mériterait d’être davantage exploité, car il constitue un complément essentiel dans une stratégie de communication publique.

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